La superficie des terres agricoles canadiennes est vaste, couvrant 39 millions d’hectares, soit 4 % du territoire canadien, ce qui place le Canada au 6e rang mondial, derrière d’autres pays tels que les États-Unis et l’Inde (158/156 millions d’hectares), la Russie/Chine (122/120 millions d’hectares) et le Brésil (56 millions d’hectares), mais plus de trois fois la taille de l’Allemagne avec 12 millions d’hectares de terres cultivables. (Source: https://worldpopulationreview.com/country-rankings/arable-land-by-country).
Au Canada, les pratiques agricoles durables gagnent du terrain en raison de leur impact positif sur des paramètres clés tels que la santé des sols, la biodiversité et la qualité de l’eau. Les pratiques agricoles durables peuvent également permettre d’obtenir des crédits carbone pour la séquestration du CO2 et la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES).
Cet article explore les actions possibles pour améliorer la santé des sols, la biodiversité et la qualité de l’eau, ainsi que les possibilités d’obtenir des crédits carbone au Canada, grâce à l’agriculture.
Le potentiel de l’agriculture pour générer des crédits carbone
Tel que souligne la récente étude du BCG Centre for Canada’s Future et de l’Arrell Food Institute at the University of Guelph de février 2023, les crédits carbone générés par l’agriculture ne représentent que 1 % de tous les crédits carbone, alors que les émissions de gaz à effet de serre (GES) du secteur agricole représentent 18 % des émissions totales. Par conséquent, il existe une énorme opportunité pour les agriculteurs d’augmenter leur part de crédits carbone à l’échelle mondiale, et en particulier au Canada.
Les pratiques agricoles durables ont été largement adoptées par les agriculteurs canadiens
Les données de la dernière édition du Recensement de l’agriculture de 2021 démontrent le progrès des pratiques agricoles durables au Canada. Selon ce rapport,
- « Près de 65 % des exploitations agricoles du Canada ont déclaré utiliser des pratiques agricoles durables comme le pâturage en rotation et le pâturage d’hiver, la plantation de cultures de couverture et l’utilisation de brise-vent et de haies brise-vent, contre 53,7 % lors du recensement précédent, il y a cinq ans.
- En outre, les agriculteurs se tournent vers des cultures plus tolérantes à la sécheresse, comme l’orge, qui a connu une augmentation de près de 25 %. »
Il n’existe actuellement aucune statistique sur la mise en œuvre de facteurs spécifiques de l’agriculture durable par les agriculteurs canadiens, tels que le carbone organique du sol (SOC), la biodiversité et la qualité de l’eau, qui sont également essentiels pour l’obtention de crédits de carbone. Analysons pourquoi ces facteurs sont si importants pour la certification des crédits carbone.
Carbone organique du sol (COS)
Le carbone organique du sol (COS) est une composante fondamentale des sols sains et productifs. Il est constitué de matières organiques telles que les résidus végétaux et animaux en décomposition, les micro-organismes et d’autres substances organiques. Le COS est essentiel pour plusieurs raisons :
- Amélioration de la structure du sol : Le COS contribue à améliorer la structure du sol, le rendant plus résistant à l’érosion et au compactage. Cela permet d’améliorer l’infiltration de l’eau et la pénétration des racines.
- Rétention des nutriments : Le COS agit comme un réservoir de nutriments essentiels, les libérant progressivement aux plantes au fur et à mesure qu’elles en ont besoin. Cela permet de réduire l’utilisation d’engrais synthétiques et de minimiser le ruissellement des nutriments dans les masses d’eau (voir également la qualité de l’eau).
- Séquestration du carbone : Un autre rôle important du SOC est sa capacité à stocker le carbone. En augmentant les niveaux de COS, les exploitations agricoles contribuent à atténuer le changement climatique en éliminant le dioxyde de carbone de l’atmosphère ou en évitant les émissions de CO2 grâce à des pratiques agricoles durables.
Le COS est également l’indicateur le plus important pour la certification des crédits carbone, car il représente le niveau d’émissions de gaz à effet de serre (GES) qui ont été évitées en étant capturées dans le sol.
En fait, les crédits carbone sont accordés lorsque le niveau de carbone organique du sol (SOC) a augmenté au fil des ans. Pour obtenir des crédits carbone, des calculs annuels du COS couvrant une période d’au moins 5 ans doivent être effectués et soumis à une organisation tierce pour évaluation, approbation et attribution de crédits.
La diversité biologique
Lors du Sommet de la Terre des Nations unies en 1992, la Convention sur la diversité biologique a proposé la conservation de la diversité biologique (ou biodiversité) et l’utilisation durable de ses éléments comme objectifs clés d’un traité multilatéral. En fait, ce traité est souvent considéré comme le document clé en matière de développement durable.
L’objectif des pratiques agricoles durables est donc d’accroître la biodiversité sur leurs terres agricoles. Parmi les meilleures pratiques se trouvent :
- La lutte naturelle contre les parasites pour réduire les pesticides chimiques : Les haies et les bandes de fleurs sauvages constituent un habitat pour les insectes et les prédateurs qui aident à lutter contre les parasites dans les cultures.
- Les services de pollinisation : de nombreuses cultures agricoles ont besoin des abeilles et des papillons pour la pollinisation. Comme les populations d’abeilles et de papillons diminuent, les services de pollinisation pourraient être la réponse à une pollinisation efficace des cultures (et des fleurs sauvages).
Des études ont démontré que les écosystèmes diversifiés sont plus résistants aux stress tels que les conditions météorologiques extrêmes et les tempêtes. Ils constituent également un tampon contre les pertes de récoltes.
Les dernières innovations technologiques permettent de mesurer l’évolution de la diversité biologique, par exemple en prenant des images infrarouges et en comparant les résultats au fil des ans. Les progrès en matière de biodiversité contribuent au calcul des crédits carbone, car ils renforcent la durabilité globale d’une exploitation agricole.
La qualité de l’eau
Les lacs et les rivières du Canada représentent 20 % des réserves mondiales d’eau douce, et l’eau douce couvre 9 % du territoire canadien, soit 891 163 km2. Le maintien de la qualité de l’eau est un autre aspect essentiel de l’agriculture durable au Canada. La pollution de l’eau peut provenir du ruissellement des engrais, des pesticides et des particules de sol dans les masses d’eau avoisinantes. Les pratiques agricoles durables abordent ces questions en
- Mettre en place des bandes riveraines : La plantation de zones tampons végétales le long des cours d’eau permet de filtrer les contaminants et de réduire le risque de ruissellement des nutriments. Des études récentes au Québec ont également montré un impact positif sur la biodiversité des plantes et des animaux (voir l’article de La Presse, octobre 2023).
- Agriculture de précision : Initialement introduite en Israël pour faire face à d’importantes pénuries d’eau, cette technique agricole est désormais également adoptée au Canada, où le changement climatique a entraîné des quantités inhabituelles de précipitations ou de longues périodes de sécheresse. L’utilisation de la technologie de précision pour l’irrigation et l’application des nutriments permet de réduire la consommation excessive d’eau et le lessivage des nutriments.
- Travail du sol (tillage) : Des pratiques adéquates de travail du sol préviennent l’érosion des sols et réduisent le ruissellement des sédiments dans les masses d’eau.
Le programme de protection des estuaires à Tampa, États-Unis
Eckerd College Service Learning Project | Robinson Preserve | Photographer: Joe Whalen, Unsplash
Certification des crédits carbone au Canada
L’une des principales incitations pour les agriculteurs canadiens à adopter des pratiques agricoles durables est la possibilité d’obtenir des crédits carbone par le biais de programmes de certification.
Les crédits carbone représentent une réduction quantifiée des émissions de gaz à effet de serre (GES) ou une augmentation de la séquestration du carbone dans le sol (SOC). Les exploitations agricoles qui mettent en œuvre les pratiques mentionnées ci-dessus peuvent réduire leur empreinte carbone et obtenir des crédits carbone.
Le processus de certification implique de vérifier et de quantifier les réductions de carbone de l’exploitation par l’intermédiaire d’organisations tierces. Ces crédits peuvent ensuite être vendus sur les marchés du carbone, ce qui constitue une source de revenus supplémentaire pour les agriculteurs et les incite à adopter des pratiques agricoles durables.
Bien que l’objectif d’Agriculture Canada soit de promouvoir des pratiques agricoles durables, il n’existe à ce jour aucun programme de certification des crédits carbone à l’échelle nationale. Certaines provinces canadiennes, comme le Québec, ont ciblé des sous-secteurs agricoles spécifiques, tels que les fermes laitières, pour développer des programmes provinciaux de certification des crédits carbone.
En ce qui concerne les cultures commerciales, les agriculteurs canadiens ne peuvent pas encore générer de crédits carbone, ni au niveau provincial ni au niveau national, contrairement aux agriculteurs américains (voir l’article sur Indigo Ag) qui engrangent des milliers de dollars de revenus supplémentaires grâce aux crédits carbone.
Certification des crédits carbone pour les cultures commerciales – un projet pilote
Afin de développer des paramètres de certification, FIAN and Logiag se sont associés pour développer les paramètres d’un tel programme de crédit carbone pour les producteurs de cultures commerciales au Canada. Le projet pilote commencera par l’analyse des niveaux de carbone organique du sol (COS) au fil des ans, sur une parcelle située dans le sud-ouest de l’Ontario.
Afin de faciliter l’échantillonnage du sol, la technologie développée en interne par Logiag sera utilisée pour collecter des échantillons de sol et analyser la composition du sol. Ces tests seront effectués à intervalles réguliers afin de comparer les progrès réalisés après l’introduction de pratiques agricoles durables telles que celles présentées ci-dessus.
En fait, le système GPS de Logiag, faisant partie de son équipement d’échantillonnage des sols également développé à l’interne, permet de prélever des échantillons à des endroits identiques avec une certitude de 99,5 %Ce procédé garantit que les échantillons de sol prélevés au fil des ans sont réellement comparables. Une fois que les échantillons de sol ont été collectés, ils seront ensuite traités par la technologie LaserAGTM de Logiag. Cette technologie permet d’analyser un grand nombre de composants spécifiques du sol, y compris le carbone organique du sol (COS)
Photo 1 : Jacques Nault et Hermann Miehe discutent de la machine développée par Logiag pour collecter des échantillons de sol.
Photo 2 : L’quipement développé par Logiag pour collecter des échantillons de sol dans des contentants sur mesure.
Photo 3 : LaserAgTM de Logiag en action – l’analyse d’échantillons de sol pour une multitude de paramètres, tels que le carbone organique du sol (COS).
Il va falloir plusieurs années pour que ce projet pilote aboutisse à une certification carbone officielle pour les producteurs de cultures commerciales. Mais nous vous informerons régulièrement de nos progrès. Si vous souhaitez en savoir plus sur les pratiques agricoles durables, implantées par des fermiers partenaires de FIAN, n’hésitez pas à contacter Hermann Miehe à l’adresse fian@miehe.ca.